Caelan traîne des pieds. Il n’aime pas se lever le matin aussitôt pour aller dehors. Bon, c’est le printemps, d’accord. Mais quand même. Il frissonne alors qu’il passe les grandes portes du château, pour retrouver la fille qui a réussi à le tirer hors du lit. Chiara Rossellini. Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour elle, hein… Il a troqué ses bouquins contre un balai, lui qui n’a jamais fichu son mètre quatre-vingt-dix sur un tel bout de bois. Parce que ça ressemble pas à grand-chose d’autre qu’un bout de bois, ce truc. Il soupire, fait son chemin jusqu’au terrain, où il sait que son amie l’attend.
Il se prend une grosse bourrasque de vent, et déteste ça. Il ne se fera jamais au climat écossais, c’est dit. Allons bon, le printemps devait arriver ! C’était quoi, ce brouillard, hein ? Est-ce que ça donnait envie de mettre le nez dehors ? En arrivant sur l’énorme terrain, là, les pieds dans la rosée, les cheveux au vent et le corps meurtri par le froid, il sait qu’il a un visage d’enfant pourri gâté qui ne veut pas manger sa soupe. C’est rare, qu’il se plaigne, Caelan. Mais là. C’est juste… inhumain. On ne sort pas les gens de leur lit à une heure pareille, dans un froid pareil, pour un truc pareil.
Mais il le fait. Parce que Caelan veut bien tester ce que Chiara aime. Parce qu’il se dit que ce serait bien qu’ils partagent un peu leurs passions l’un avec l’autre. Il a déjà appris à la connaître, en sortant à Pré-au-Lard pour acheter les affaires de Quidditch qu’il porte. Il a essayé de l’initier aux siennes en lui lisant les passages les plus amusants des Morts sorcières abracadabrantesques qu’il a trouvé à la librairie. Et puis, ils sont allés jusqu’à cette fameuse boutique de pâtisseries que tient le meilleur ami de Chiara. Même s’il s’est trouvé mal à l’aise devant la complicité évidente des deux compères, il a quand même appris à connaître un pan jusqu’alors jamais révélé de la personnalité de Chiara. Et ça lui a fait plaisir, ce serait mentir que de dire le contraire. Il a mâchonné sa jalousie et rangé son orgueil dans un coin juste pour profiter de ces nouveaux petits détails : la façon dont elle riait, souriait, parlait, tellement plus détendue… Caelan aimerait bien la voir comme ça plus souvent.
Et c’est pour cette raison qu’il est là, alors qu’il ne rêve que de retrouver le confort de sa salle commune et de continuer le lourd ouvrage qu’il a emprunté la veille. Il baisse les yeux vers Chiara qui l’attend déjà au milieu de terrain, dans une livrée rouge et or, avec à ses pieds la fameuse boîte renfermant les balles.
« Tu vas me sortir les Cognards, genre tout de suite alors que j’ai jamais posé les fesses sur un balai ? » lui demande-t-il, la voix presque inquiète.