Trois marches. Deux marches. Une marche. Je n’avais qu’une, envie, c’était de m’effondrer dans un des meilleurs fauteuils de la salle commune, et j’étais tellement harassé que j’étais prêt à abuser de mon autorité d’aîné pour déloger un première année, ce que je n’avais jamais le courage de faire habituellement. La journée avait été longue, je m’étais disputé dès le petit-déjeuner avec Noélyse, ce qui avait le don de me mettre en rogne toute la journée, en particulier parce qu’elle ne pouvait s’empêcher de crier de toute la force de ses poumons, ce qui attiraient toujours l’attention sur nous, si ce n’est un petit groupe à l’affut de rumeur. Moi qui détestais être au centre des regards et des ragots, j’étais servi. Mon humeur déjà au plus bas avait frôlé le plancher lorsque j’avais vu Dawn roucouler vers un grand Serpentard de septième année, un beau garçon, banal à pleurer. Les professeurs nous avaient ensuite donné une quantité de devoirs comme s’ils n’avaient pas remarqué qu’on venait tout juste de reprendre. Travailler ne me dérangeait pas, j’irais même jusqu’à dire que je me réjouissais à l’idée d’ouvrir mes livres récemment dégotté dans la bibliothèque pour l’occasion. Mais j’avais justement envie de les commencer au plus vite, pour être sûr d’avoir le temps de rendre un parchemin correct. Autant dire que je n’avais pas du tout dans l’optique de rester coincé devant la porte, obéissant aux désirs d’un aigle en bronze. C’est pourtant ce qui m’arriva ce mardi soir, à quelque minute du couvre-feu qui nous interdisait de nous balader dans les couloirs. Quand une jeune fille que j’avais déjà aperçu plusieurs fois dans la salle commune des bleu et bronze m’accosta en balbutiant quelques mots d’excuse, je fus tellement étonné que je n’écoutais même pas la fin de sa demande. Personne, mais personne, se sentait intimidé en ma présence. Et surtout personne ne s’excusais jamais envers moi. Je la dévisageais, les yeux ronds, alors qu’elle baissait précipitamment les yeux, m’attendant à ce qu’elle relève la tête à tout moment avec un sourire sadique et me sorte une phrase blessante. Mais le silence pesant qui nous entourait me fit comprendre que non, la rousse ne me voulait aucun mal. Ou du moins, en apparence. J’allais repartir vers la porte de la salle lorsque je me rappelai qu’elle m’avait au départ parlé pour quelque chose que je n’avais pas entendu. Tout en frappant tranquillement le heurtoir en forme d’aigle qui servait de verrou à notre salle commune, je me tournais à nouveau vers elle « Excuse-moi, je .. je n’ai pas vraiment compris ce que tu m’as dit, tu voudrais bien te répéter ? ». Je lui adressais un faible sourire, conscient de l’air ridicule que je devais présenter, moi, le grand garçon plutôt baraqué qui n’arrivait pas à parler sans bredouiller. L’aigle nous interrompit de sa voix grave et morne en énonçant l’énigme habituelle qui empêchait quiconque ne trouvant pas la réponse exacte d’entrer dans notre salle commune. Une manière comme une autre d’exercer le cerveau des grands travailleurs que nous étions. « Nous sommes deux sœurs. La première engendre la seconde et la seconde engendre la première. Qui sommes nous ? » Je regardais immédiatement ma camarade de maison, afin de voir si elle aussi se sentait perdu dans cette question. Pourquoi ce soir, alors que je rêvais du fauteuil devant la cheminée et de mon devoir de potion, je devais rencontrer une question comme celle-ci. « C’est dur ce soir, tu as une idée ? » mon ton se faisait presque implorant alors que mon cerveau se creusait dans tous les sens pour comprendre l’énigme offerte par l’aigle la plus dure sans nul doute de toute ma scolarité.

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