"Jamais propagande n'avait été mieux dispensée, et jamais propagande n'avait connu pareil cynisme."
Les maisons défilaient sous son regard dépité, perçant de leurs murs ventrus tout de tuffeau et de granit le ciel gris-bleu automnal. Maintes fois durant le trajet le menant à Pré-au-Lard, Lysander s'était demandé ce qui put le pousser à accepter la requête de Aaren, quand bien même il appréciait passer du temps avec la vipère, il lui était parfois difficile d'assumer son mensonge par omission jusqu'au bout des doigts. Car le Gryffondor n'ayant jamais relevé la remarque de la rouquine, selon laquelle il ne put qu'être homosexuel pour ainsi refuser ses avances et celles des autres demoiselles, s'était engoncé dans une zone de confort non négligeable mais ardue à gérer. Car affirmant ainsi silencieusement son amour des hommes qu'il n'avait pas, Lysander s'assurait de ne pas être à nouveau confronté aux charmes insistants (bien que délicieux, ne le nions pas) de la belle Aaren. Néanmoins le garçon se retrouvait dans une position délicate dès lors qu'elle lui parlait chiffons, fessiers masculins ou bien lingerie fine. Il se contentait ainsi d'acquiescer mollement, ravalant sa gêne et dissimulant son visage blême par d'autres artifices, tels qu'un détournement de conversation ou de regard. Et aujourd'hui Lysander ne put réchapper à la règle du « meilleur ami gay s'en allant faire les magasins avec sa comparse » , alors même qu'il ne sut vraiment distinguer une robe d'une jupe, comme tout individu mâle se respectant.
Ainsi poussa-t-il la porte du magasin dans lequel ils s'étaient donné rendez-vous d'une main fébrile. Une boutique de lingerie fine, voilà où Lysander venait de mettre pied. Culottes, string, tanga, shorty (ou autant de dérivés de noms lui étant absolument inconnus au bataillon), porte-jarretelles, soutiens-gorge (rembourrés ou non. Bonnet A, B, C ? 85 ou 100 ? … de quoi lui donner le tournis pour les jours à venir), bref autant de chiffons l'attendant là entre les rayons triés par gammes et par couleurs, auprès d'une vendeuse l'accueillant avec un grand sourire. « Puis-je vous aider monsieur ? » « Je suis gay. » renchérit-il sans préavis, comme un instinct de survie mal réglé, la nuque tendue et la mine blême. Lysander n'avait trouvé que cette fausse excuse pour éviter de se répandre en inepties, alors même qu'il se sentait complètement perdu et déboussolé. La jeune femme hocha alors la tête d'un air peu convaincu, corrobora son geste d'un sourire amusé, et s'en retourna à son travail au grand soulagement du Gryffondor. Ce fut par ailleurs dans un bref soupir satisfait qu'il repéra une chevelure rousse se balader entre les rayons, laquelle Lysander s'empressa de rejoindre d'un pas qu'il voulait assuré. « Alors, t'as trouvé ton bonheur ? Viens j'te paie un chocolat chaud, je crève de froid. » mentit-il du bout des lèvres, parlant un peu trop rapidement pour ne pas dissimuler sa gêne, ayant hâte de s'échapper de l'antre des dessous en dentelles. Déjà que les lieux étaient hostiles pour tout mâle n'y connaissant guère grand chose, ils devenaient inévitablement malveillants aux yeux de Lysander qui n'avait jamais su s'accommoder – et bien malgré lui – d'une sexualité normale.
Les tourbillons de dentelles qui virevoltaient autour d'elle ou glissaient entre ses doigts l'émerveillaient. La jeune femme adorait la lingerie, car elle considérait que de beaux sous-vêtements donnaient l'impression d'être sexy à quiconque les portait, et ce peu importe les habits par-dessus. Cette notion était d'autant plus importante pour elle qui, élève à Poudlard, se voyait dans l'obligation de porter cet informe uniforme la plupart du temps. Ainsi, ce vêtement était son point faible, et c'est les bras débordants de tissus qu'elle se dirigea vers la cabine. Elle espérait que Lysander arriverait avant qu'elle n'ait terminé, car elle était certaine qu'il serait de précieux conseil, et que ce serait amusant pour tous les deux. Après avoir déposé son chargement, elle se rendit compte qu'elle avait oublié un des bas assorti et ressortit précipitamment le chercher. C'est à ce moment là que son souhait s'exauça en la personne de son ami, qui apparut derrière elle. Elle l'observa en souriant. Jamais, avant de le connaître, elle n'aurait imaginé ce qu'il dissimulait. Même maintenant, alors qu'elle connaissait le secret de son homosexualité depuis plus d'un an, elle avait parfois du mal à s'en convaincre, et la vision de cet homme plutôt viril au milieu des dessous l'amusait. Comme quoi, il ne fallait jamais se fier à l'apparence. « Alors, t'as trouvé ton bonheur ? Viens j'te paie un chocolat chaud, je crève de froid. » Elle désigna la montagne colorée dans la cabine derrière elle avec un sourire contrit, avant de tourner les talons en lui lançant joyeusement : « T'en fais pas, tu vas vite te réchauffer là-dedans. J'essaie tout ça, mais il faudra que tu m'aides à choisir. Enfin plutôt, que tu me donnes un avis masculin, j'ai tendance à trouver que tout me va ». Elle rigola à ses paroles qui pourtant, n'étaient qu'une demi-blague. Sans attendre la réponse du garçon, elle s'engouffra dans la cabine et commença son long processus de choix. La rousse était le genre de personne qui se regardait longuement dans le miroir avant de se décider sur un vêtement, et qui prenait tout son temps sans remarquer que ses amis pouvaient peut-être être en train de se lasser. A chaque nouveau morceau de lingerie, elle ouvrait discrètement le rideau et s'exposait à Lysander sans la moindre gêne, convaincue de son regard objectif et désintéressé. Elle savait qu'à leur époque, tous n'étaient pas tolérants comme elle – et encore, elle devait l'avouer, si elle appréciait énormément Lysander, elle était soulagée de ne jamais l'avoir vu avec un homme, car cette image l'aurait perturbée. Elle avait donc toujours pris soin de garder précieusement son secret, et de l'évoquer le moins possible. Mais aujourd'hui, dans cette antre qui poussait aux confidences, elle se sentait avide d'en savoir plus, parce que le sujet l'intriguait en premier lieu, et parce qu'étant donné que c'était une partie intégrante de son ami, elle désirait la connaître mieux. Aussi, alors qu'elle passait un nouveau soutien-gorge, elle s'éclaircit la gorge et passa la tête hors de la cabine. « Dit en fait, Lys, tu ne m'as jamais dit, tu fréquentes un garçon à Poudlard ? » Alors qu'elle posait sa question, elle se rendit compte qu'elle en avait milles autres en tête, et regretta de n'en avoir jamais plus parlé avec lui. Surtout que ce secret devait lui peser, à la longue, et qu'il avait sans doute envie d'évoquer ses sentiments et de se confier comme, finalement, tous les jeunes de leur âge. Il avait dû apprendre à cacher son secret et, par habitude, restait peu loquace à ce sujet même envers elle, qui était au courant. Elle s'imagina un instant sa situation, la honte ou l'effroi qu'il avait dû ressentir alors qu'il se découvrait, créés par les préjugés environnants et la peur d'être critiqué, et elle ressentit un de ses rares élans de compassions. Décidée à lui montrer gentiment qu'il pouvait se sentir libre, lui-même et en confiance avec elle, et à le pousser doucement à s'ouvrir, elle opta pour une tactique d'approche un peu spéciale, en s'efforçant de ne paraître que moyennement intéressée, comme si le sujet était aussi banale que la nouvelle coupe de cheveux de Dawn Blackwood ou les derniers devoirs de potions, afin de ne pas l'effrayer.
Spoiler:
C'est pas top, désolé, mais je t'avais déjà tellement fait attendre Si besoin : #CD9B69