I will be here for you

Il existe des jours comme ça où l'on devrait rester au lit, sous sa couette, et surtout ne sortir sous aucun prétexte. C'était un de ces jours pour la belle Aliénor Avery. Depuis le bal donné par le château pour la saint-valentin, la jeune adolescente à la chevelure dorée s'était fait aussi discrète qu'elle le pouvait. Sa tenue et sa consommation d'alcool n'étaient passé inaperçus auprès de personne et elle pariait que ses petits frères n'en avaient pas perdu une miette. Ils devaient attendre le moment propice pour lui jeter en pleine figure et ainsi prouver qu'ils constituaient la digne progéniture de leur père. En pensant à son géniteur, la poufsouffle ne put réprimer un frisson. Les retours au foyer familial devenaient de plus en plus dur, altérant un peu plus à chaque fois la carapace de protection qu'elle s'était forgée. Les fêlures étaient tellement nombreuses qu'il devenait impossible de les compter et la brune aux yeux bleus perçants se sentaient de plus en plus fatiguée, à son plus grand désarroi et se trouvait, pratiquement constamment, plongée dans une détresse qu'elle ne parvenait pas à combattre. Levant doucement son corps de son lit, elle se prépara machinalement. Comme un robot désuet, elle enfila son uniforme scolaire, passa un coup de peigne dans ses cheveux et jeta un regard timide à son reflet dans le miroir. Sa beauté ne pouvait être masquée par sa souffrance mais elle était loin de resplendir pour autant. Elle n'était rien. Elle n'avait jamais rien été si ce n'est de la honte et du dégoût. Avec le temps, la lumière qui émanait d'elle avait ternir en raison du peu d'estime qu'elle avait d'elle-même. Elle n'était plus l'ombre d'elle, l'ombre de l'enfant joyeuse et dynamique qu'elle avait pu être autrefois. Doucement, elle quitta le dortoir des jaunes et noirs, dans un pas feutré, en priant le ciel que personne ne la remarque et que cette journée passe le plus vite possible. Le trajet jusqu'à la grande salle s'était déroulé sans embûche et, s'installant en bout de table, Alienor fixait le jus de citrouille qu'elle s'était servie sans grande conviction. Soudain, un froissement d'ailes au dessus d'elle lui fit levé son regard bleu océan. C'est à ce moment qu'elle remarqua le hibou grand duc, au pelage soyeux, qui lui apportait une lettre rouge sang. Sans la moindre hésitation, elle reconnue la beuglante et su d'avance qu'elle allait passer un moment aussi pénible que honteux. La main tremblante, elle décacheta l'enveloppe et ferma les yeux lorsqu'elle entendit, tour à tour, la voix de sa mère et de son père s'élever dans les airs pour que pleuvent sur elle une pluie d'insultes. Soudain, ce fut le silence... suivit d'un rire général dans la grande salle.

Se ratatinant encore un peu plus sur le banc, elle aurait aimé qu'on la fasse disparaître sur le champ. Elle de nature si timide, elle supportait très mal que l'attention soit sur elle. Elle n'avait pas l'habitude et préférait ne pas se faire remarquer, même pour quelque chose de positif. Passant une main dans ses cheveux, elle sentait son cœur s'accélérer et la disjonction émotionnelle poindre le bout de son nez. Elle voulait que tout s'opère très vite, que son cerveau se déconnecte et que son cœur s'anesthésie. Elle n'en pouvait plus de cette peur et de cette souffrance. Elle avait besoin de s'évader et elle n'avait trouvé rien de mieux pour cela que l'alcool et la disjonction émotionnelle. Levant ses fesses du banc, elle prit le chemin de la grande salle. Elle ne marchait pas lentement mais ne courrait pas non plus, tentant de garder le peau de dignité qu'il pouvait lui rester, elle tentait de faire abstraction des doigts qui se pointaient sur elle et des regards appuyés qui violaient l'intimité de ses ressentiments. Le chemin lui fut barré par un serpentard qu'elle connaissait depuis l'enfance et d'un ami à lui qui portait l'uniforme de serdaigle. Recevant les insultes en pleine face, elle continuait de sentir son rythme cardiaque s’accélérer dangereusement sans qu'elle ne puisse rien faire pour le calmer. Elle attendait la sentence comme un pauvre homme que l'on emmène à sa pitance. « Tiens, tiens, monsieur Stephen… Vous venez profiter du… Bon air ? Que j’entende encore une remarque de ce type sur Miss Avery sortir de votre bouche, ou que j’aperçois ne serait-ce qu’un regard de travers sur elle et je fais de votre misérable existence un enfer. Est-ce clair ? Quant à vous, soyez assuré que votre Directrice en entendra parler. De toute façon nous nous reverrons durant votre semaine de retenue. Filez maintenant » Au lieu d'un sortilège qui venait la frapper de plein fouet, la poufsouffle eu la surprise d'entendre la voix protectrice et rassurante de son oncle. Elle avait oublié que celui-ci venait d'intégrer le corps professoral de Poudlard. Il avait toujours été, d'aussi loin qu'elle se souvienne, le seul croquis d'une relation familiale qui avait bien voulu lui être accordé. Malheureusement pour lui, celui-ci avait décidé d'apprécier l’héritière déchue de son frère aîné ce qui avait eu pour conséquence de le chasser de la demeure familiale où il n'était, dès lors, plus le bienvenu.

« Il faudra que je songes à leur trouver des tâches à la hauteur de leur stupidité… Des idées ma douce ? » Le regard désabusé de la septième année se posa sur son oncle sans qu'elle ne puisse prononcer le moindre mot. Elle était sa douce, elle était quelque chose de positif à ses yeux et elle n'avait pas l'habitude. Elle n'avait jamais été quelque chose de positif pour quelqu'un, encore moins pour quelqu'un qui portait le nom de famille Avery. « Ton père est un crétin. Pas la peine de te prendre la tête » Elle voulait le crier, lui hurler, qu'il n'était pas qu'un crétin mais un tortionnaire. Que quelque part, elle lui en voulait un peu de ne pas s'être plus interposé que ça et surtout de ne pas l'avoir arraché à cette famille qui la tuait à petit feu. « Je t’ai déjà parlé de mon père ? » Pour toute réponse, la blonde hocha négativement la tête. Jamais, on ne lui avait parlé de ses ancêtres Avery, sûrement parce qu'elle ne méritait pas de connaître l'histoire de la digne famille qu'elle bafouait. [color:c661=ff0033]« Lui aussi était un abruti. J’avais beau avoir une bonne réputation, de bonnes notes, rien ne semblait le satisfaire. Une éducation à la dure. Je ne compte plus les coups que j’ai reçu. Jusqu’au jour où je suis devenus assez puissant pour lui tenir tête... Ce jour-là il m'a supplié d'arrêter... Supplier. Je sais qu’on ne se trouve pas dans la même situation. Déjà parce que tu es une fille, ensuite les circonstances ne sont pas les mêmes mais sois sûr que contrairement à moi, tu trouveras toujours une porte ouverte. La mienne ». Les mots de Seth, même si ce n'était que des mots, faisaient un bien fou à la belle Alienor. Pour la première fois de sa vie, elle avait l'impression de ne plus être seule mais d'avoir un adulte de son côté. Ce n'était pas rien. Cela ne faisait pas tout non plus mais c'était un début. « Ce que je vais te demander est délicat. Mais je suis sûrs que tu seras assez forte pour être sincère. Je sais que tu as reçu des coups mais… Est qu’il n’a pas été… Plus loin avec toi ? ». La question la désarçonna. Elle n'en avait jamais parlé à personne, surtout parce qu'on ne lui avait jamais posé la question. Elle ne savait pas trop quoi faire. Plongeant ses yeux à la teinte océanique dans les noisettes de son oncle, elle resta silencieuse un instant avant de prendre sa décision. La disjonction émotionnelle avait a demie opérée et elle semblait froide et insensible face à l'homme qui lui faisait face malgré la rudesse du sujet invoqué. C'était peut-être horrible pour l'interlocuteur mais c'était la seule échappatoire qu'elle avait trouvé à sa peine. « Parfois il me caresse... Il balade sa main un peu partout sur ma peau avant que le coup ne vienne. Il rigole et il recommence... Je ne sais jamais quand ça va tomber. Il m'insulte aussi bien que cela soit le terrain de ma mère plutôt que le sien. » Alienor avait débité sa révélation avec un calme inquiétant et un ton monocorde qui ne laissait transpirer aucune émotion. La disjonction émotionnelle avait ça de bien qu'elle laissait la titulaire du corps aussi froide et indifférente que possible à ce qui, d'ordinaire, venait torturer son esprit et meurtrir son cœur. Passant une main dans sa chevelure emmêlée, elle soupira doucement en regardant le bout de ses chaussures. « Je ne voudrais pas que tu es des problèmes à cause de moi, oncle Seth. Tu sais, j'ai finis par m'habituer au fait que j'étais la honte de la famille. » Relevant doucement son visage anguleux vers son oncle, elle esquissa un léger sourire sur ses lèvres pulpeuses et dénudées de toute trace de maquillage. A cet instant, il était possible de retrouver dans son regard, un reste sporadique de l'enfant qu'elle avait pu être quelques années auparavant. « Est-ce que... Est-ce que, je pourrais venir chez toi parfois aux prochaines vacances, ou rester au château ? Je ne veux pas te déranger, mais je ne veux pas retourner la vie. » Elle était à deux doigts de supplier mais supplier aurait révéler que la situation était bien plus catastrophique qu'elle ne le laissait paraître. Et comme toujours, Alienor Avery ne voulait causer de la peine, de l'inquiétude ou même le moindre souci à personne, préférant tout en elle en attendant la délivrance douce et intense de la disjonction émotionnelle.

FICHE ET CODES PAR BROADSWORD.